Vers une relocalisation de l’alimentation : quels sont les freins et les leviers identifiés ?
Édito

Face à la croissance continue de la population mondiale, à son urbanisation toujours plus importante, ainsi qu’au changement climatique et ses conséquences, les systèmes alimentaires sont soumis à une pression énorme induisant des impératifs à les réorienter (Nyström et al., 2019). L’équation actuelle est, en effet, de garantir à l’ensemble de la population l’accès à des aliments sûrs et nutritifs en quantité suffisante, de mieux rémunérer les agriculteurs et l’ensemble des acteurs de la chaîne alimentaire, tout en préservant les ressources naturelles et en atténuant le changement climatique (Objectifs de développement durable ; Assemblée Générale des Nations Unies, 2015). Face à ces enjeux, la nécessité d’une transition vers des systèmes alimentaires qui soient plus durables, résilients et inclusifs fait consensus.
Pour y parvenir, de nombreux acteurs voient la reterritorialisation des systèmes alimentaires comme l’une des solutions à activer (Altieri & Nicholls, 2020 ; Thilmany et al., 2020).
Cette question fait notamment l’objet d’une attention croissante du grand public, des décideurs politiques et des chercheurs, en particulier dans les pays à revenu élevé (De Schutter, 2017). Deux crises récentes – la pandémie de Covid-19, et le conflit en Ukraine – ont en effet entraîné des perturbations des chaînes d’approvisionnement et souligné la nécessité pour les états de réfléchir à leur souveraineté alimentaire et à enclencher des actions visant à la garantir.
A travers la synthèse de 3 publications récentes, l’édition de septembre d’Équation Nutrition propose un éclairage sur les freins et leviers à la reterritorialisation des systèmes alimentaires et les opportunités qu’elle ouvre.
Le premier article (Enthoven and Van den Broeck,2021) a passé en revue deux décennies de recherches sur les systèmes alimentaires locaux afin de déterminer si les bénéfices qui leur sont associés dans l’imaginaire collectif sont étayés ou non scientifiquement. Ce travail conclue que les impacts des systèmes alimentaires locaux ne sont pas univoques et varient selon 3 grands facteurs : les produits considérés, les chaînes d’approvisionnement et les régions/pays. Les auteurs appellent également à soutenir les recherches sur ce sujet.
Le deuxième article (Mundler & Boulianne 2022)a examiné les défis et obstacles d’une reterritorialisation de la production alimentaire dans la région de Québec (Canada). Ce travail montre que la reterritorialisation de l’alimentation se heurte à divers verrous à la fois organisationnels, sociotechniques, culturels et cognitifs qui laissent peu de place à une planification territoriale et cantonnent les produits locaux à rester des niches.
Le troisième article (Sanz Sanz et al., 2022) s’est intéressé à la relocalisation de l’approvisionnement alimentaire des cantines scolaires de la ville d’Avignon (France) et à la transformation des pratiques associées, en se focalisant sur les motivations des personnels municipaux. Aux côtés du rôle du politique et de l’importance de la co-construction avec l’ensemble des acteurs locaux, ce travail souligne le rôle des individus dans la réussite de la mise en œuvre des politiques publiques en faveur d’une alimentation plus durable.
Esther SANZ SANZ est géographe de l’alimentation, spécialisée dans la recherche participative spatialement explicite et orientée vers les politiques publiques, en particulier en ce qui concerne les systèmes alimentaires locaux. Ses recherches portent sur la territorialisation des systèmes alimentaires en se focalisant sur la forme et la localisation des agricultures contribuant à l’approvisionnement de proximité, la modélisation de la dynamique des bassin alimentaires et l’analyse de la structure spatiale des chaînes d’approvisionnement locales et des environnements alimentaires physiques favorables à une alimentation saine et durable.