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Réseaux sociaux : une faible part de contenus respectent les recommandations nutritionnelles

Une personne prend en photo son assiette réseaux sociaux alimentation saine - Aprifel

Alors que les réseaux sociaux sont de plus en plus utilisés, notamment par les jeunes générations, des travaux alertent quant à l’influence des contenus partagés sur les habitudes de vie des utilisateurs. Certaines études suggèrent, en particulier, que l’intérêt croissant pour les contenus présentés comme #healthy serait associé à une augmentation de troubles de l’alimentation. Une étude récente a évalué l’adéquation des contenus présentés comme sains sur Instagram avec les recommandations nutritionnelles. Selon ce travail, la majorité des recettes analysées sont déséquilibrées, encourageant principalement une restriction alimentaire. Considérant l’influence de ces contenus sur les pratiques alimentaires, cette étude illustre le besoin de montée en compétence des créateurs de contenus, mais également le levier que pourraient représenter les réseaux sociaux pour des interventions en santé publique.

L’utilisation des réseaux sociaux a largement augmenté au cours des 20 dernières années, notamment pendant la pandémie du COVID-19. Selon un rapport récent, plus de la moitié de la population mondiale utilise activement les réseaux sociaux (Zauderer, 2023). Ces dernières années ont notamment été marquées par l’émergence de la communauté « fitness » et de son contenu promouvant des habitudes de vie présentées comme « saines » basées sur l’exercice et l’alimentation (Gilsbach & Herpertz-Dahlmann, 2023).

En avril 2024, plus de 191 millions de publications Instagram, étaient taguées par le mot clé #healthy, un chiffre qui témoigne de l’intérêt croissant des utilisateurs pour ce type de contenu (Del Pozo et al. 2024). En outre, il sembler que les utilisateurs accordent une confiance élevée au contenu présenté comme « santé » partagé par les influenceurs sur ce réseau (Janssen et al., 2022). Ainsi, la diffusion de conseils nutritionnels, qu’ils soient en phase avec les recommandations ou non, peut exercer une influence sur les comportements des utilisateurs et, à long terme, sur leur santé.
Afin d’approfondir cette question, une étude récente (Del Pozo et al., 2024) a cherché à déterminer si les contenus associés au mot clé #healthy sur Instagram étaient conformes aux recommandations nutritionnelles.

Une analyse quantitative et qualitative des recettes #healthy

Dans le cadre de ce travail, deux analyses successives de recettes postées en français sur Instagram ont été réalisées : une première de février à mai 2023 et une seconde en avril 2024. Les hashtags échantillonnés comprenaient #healthy ainsi que des variations de celui-ci (#healthyrecipe, #healthyfood, #healthylunch…etc.)
Au total, 114 recettes – deux ensembles de données de 57 recettes – ont été sélectionnées. Ces dernières ont été analysées de deux manières (voir méthodologie pour plus de précision) :

  • Quantitative : en calculant la densité énergétique de la recette et sa teneur en protéines ;
  • Qualitative : en examinant la qualité nutritionnelle des ingrédients choisis, les critères retenus comprenant la présence de glucides et de fruits et de légumes.

A la suite de cette analyse, les plats principaux ont été classés en 3 groupes : équilibré, partiellement déséquilibré et déséquilibré. Deux types de plats déséquilibrés ont été déterminés : restrictifs, lorsque les apports calorique et protéique étaient inférieurs aux recommandations et excessifs lorsqu’ils étaient supérieurs. En cas d’inadéquation quantitative ou qualitative pour un ou plusieurs critères, la recette était classée comme inadéquate.

Instagram, des recettes #healthy majoritairement déséquilibrées

Sur l’ensemble des recettes examinées, seules 3 sont jugées équilibrées par les auteurs et 45 partiellement équilibrées. Parmi les 66 plats déséquilibrés, 21 ont été jugés restrictifs et 21 excessifs (voir figure 1 ci-dessous). Enfin, 24 plats ont été classés comme inadéquats, dont 10 hypocaloriques.

Figure 1 : Répartition et classification schématiques des plats examinés (d’après Del Pozo et al., 2024)

Les recettes ont également été classées en 4 catégories en fonction de la principale source de protéines, qu’il s’agisse de protéines animales, dérivées de produits animaux ou de protéines végétales (voir méthodologie). Les résultats sont présentés sur la figure 2 ci-dessous et indiquent qu’il y a autant de plats végétaliens et végétariens que de plats à base de protéines animales.

Figure 2 : Répartition des recettes en fonction de la source principale de protéines
(d’après Del Pozo et al., 2024)

Réseaux sociaux : associer scientifiques et influenceurs pour améliorer la qualité des contenus

Cette étude est la première à démontrer que les recettes présentées comme #healthy sur Instagram ont tendance à être déséquilibrées, principalement de manière restrictive. Une tendance végétarienne/végétalienne a été également observée dans l’échantillon étudié, conduisant à l’exclusion d’un ou de plusieurs groupes d’aliments clés. La littérature pointe notamment qu’un régime végétalien strict peut entraîner plusieurs carences nutritionnelles, en vitamine B12 ou en fer par exemple (O’Keefe et al., 2022).

En conclusion de ce travail, les auteurs alertent ainsi sur le fait que l’adhésion croissante aux contenus présentés comme #healthy sur les réseaux sociaux pourrait conduire à une plus grande acceptation de la restriction alimentaire et à la normalisation, voire à la glorification de troubles alimentaires. Une étude récente a notamment suggéré qu’une consommation importante d’Instagram, et plus spécifiquement de contenu #healthyeating, était positivement associée à la présence de symptômes d’orthorexie mentale (Lopez-Gil et al. 2023).

Considérant l’influence de ces contenus sur les pratiques alimentaires, cette étude illustre le besoin de montée en compétence des créateurs de contenus mais également le levier que pourraient représenter les réseaux sociaux pour des interventions en santé publique.

Basé sur : Del Pozo G, Ezan P, Moubassat M, Déchelotte P. Does so-called « healthy » content on instagram display balanced recipes? A pilot study in relation to the risk of unhealthy eating patterns in social network users. Appetite. 2024 Sep 1; 200:107542.

Méthodologie
Messages clés
  • La majorité des recettes examinées dans cette étude sont hypocaloriques et présentent des carences en un ou plusieurs groupes d’aliments.
  • L’identification croissante aux recettes #healthy en tant que modèle d’alimentation pourrait conduire à une plus grande acceptation de la restriction alimentaire et à la normalisation, voire à la glorification de troubles alimentaires.
Références
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