Alimentation, sommeil, comportements sédentaires et activité physique : comment générer de la motivation via les nouvelles technologies pour encourager des modes de vie plus sains chez les jeunes adultes ?

Interventions numériques en santé, une efficacité démontrée sur l’activité physique, les habitudes alimentaires, le sommeil et la sédentarité

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Face au poids des maladies chroniques et à l’influence du mode vie sur ces pathologies, un nombre croissant d’interventions utilise les technologies numériques (applications, sites web, sms…) afin de faire évoluer les comportements de santé. Une méta-méta-analyse récente a consolidé et évalué les connaissances disponibles concernant l’impact des interventions numériques en santé sur les comportements d’activité physique, de sommeil, de sédentarité et d’alimentation. Ce travail montre l’efficacité de ce type d’interventions sur l’ensemble des comportements considérés. Il met également en évidence une efficacité accrue des interventions mixtes, combinant les canaux d’information, pour améliorer le niveau d’activité et la consommation de fruits et légumes.

Diverses maladies chroniques – obésité, maladies cardiovasculaires, cancers, troubles de la santé mentale – sont étroitement liées à notre mode de vie (OMS, 2023). Agir sur nos comportements en matière d’alimentation, d’activité physique, de sommeil et de sédentarité représente, ainsi, un levier clé de prévention pour réduire l’incidence et la gravité de ces pathologies (Nyberg et al., 2020).

Face au poids croissant des maladies non transmissibles, des interventions simples et peu coûteuses à mettre en œuvre à grande échelle sont nécessaires afin d’encourager les populations à aller vers des modes de vies plus sains. Dans ce but, l’utilisation des technologies numériques en e-santé et m-santé (voir encadré) fait l’objet d’une attention croissante (Davis et al., 2020).

Grâce à l’omniprésence du numérique dans nos vies (smartphones, accès à internet, objets connectés) les interventions numériques en santé permettent en effet de proposer des programmes personnalisés, de faciliter le suivi des participants et le retour d’information (Milat et al., 2013).

Ces interventions s’appuient généralement sur les techniques de changement de comportement  et intègrent des éléments de gamification, l’envoi de messages personnalisés, ou même des technologies issues de l’l’IA (machine learning) afin de renforcer l’engagement et la motivation des participants.

Ces dernières années, de nombreux travaux visant à évaluer l’efficacité des interventions numériques en santé ont été publiés. Cependant, les revues de la littérature réalisées n’ont pas permis de dresser un panorama global, se focalisant sur un type d’intervention, une des composantes du mode de vie ou sur un type de population. Afin d’apporter une vision d’ensemble, une méta-méta-analyse récente (Singh et al., 2024) a cherché à :

  • Synthétiser les données actuelles sur l’efficacité des interventions en e- et m-santé ciblant le mode de vie (activité, sédentarité, sommeil et alimentation) ;
  • Déterminer si les effets des interventions diffèrent en fonction des caractéristiques des participants, de la population considérée et du type d’intervention.

Interventions numériques en santé, une évaluation portant sur plus de 500 essais contrôlés randomisés

Ce travail a inclus 47 méta-analyses, portant sur essais contrôlés randomisés et 206 873 participants. Les populations les plus fréquemment incluses dans ces essais comprenaient la population générale, les adultes en surpoids ou obèses, des patients atteints de diverses maladies chroniques, ainsi que des survivants du cancer. Les interventions examinées comprenaient des applications mobiles, des programmes basés sur le web, l’envoi de SMS et d’autres applications numériques.

Figure 1 : Articles inclus traitant des différentes dimensions du mode de vie (d’après Singh et al. 2024) 

Interventions numériques en santé, des résultats globalement encourageants pour l’ensemble des composantes du mode de vie

Quel que soit l’âge, le sexe et le pays d’origine des individus considérés, les analyses effectuées ont permis de démontrer que les interventions en matière de santé numérique permettent d’améliorer une ou plusieurs composantes du mode de vie.

Des augmentations significatives ont notamment été rapportées pour le nombre de pas quotidiens et le temps consacré à la pratique d’une activité physique modérée (voir figure 2 ci-dessous). Ces résultats concordent avec ceux observés par des études précédentes (Ferguson et al, 2022).

Concernant l’alimentation, des améliorations modérées (non significatives) ont été observées avec notamment 0,6 portions de fruits et légumes en plus consommées en moyenne chaque jour. Des réductions de la consommation de graisses saturées et de l’apport énergétique ont également été observées. Enfin, les résultats démontrent une amélioration de la qualité du sommeil, ainsi qu’une baisse de la gravité des symptômes d’insomnie, en cohérence avec la littérature antérieure (Young et al., 2016).

Figure 2 : Effets d’interventions numériques de santé sur le mode de vie (d’après Singh et al., 2024)

Alimentation et activité physique, les interventions mixtes sont plus efficaces

Au-delà de ces conclusions générales, ce travail montre que le type d’intervention joue un rôle pour améliorer le niveau d’activité physique et la consommation de fruits et légumes. Ainsi, les interventions mixtes combinant différents canaux d’information sont les plus efficaces. Elles permettent d’augmenter le niveau d’activité physique de 74,8 min/semaine quand celles combinant mobile et web l’augmentent de 56,3 min/semaine et celles basées sur le web uniquement de 13,4min/ semaine.

Le même type d’effet est observé pour la consommation de fruits et légumes. Ainsi les interventions mixtes permettent d’aboutir à une augmentation plus importante de la consommation de fruits et légumes (2 portions/jour) que dans les interventions basées sur les applications mobiles, les SMS et le web (0,6 portion/jour) ou les applications mobiles seules (0,27 portion/jour).

L’âge et l’état de santé semblent également exercer une influence sur l’efficacité des interventions destinées à améliorer la consommation de fruits et légumes. Une plus grande efficacité est ainsi observée chez les moins de 50 ans (+2 portions de fruits et légumes supplémentaires par jour). C’est également le cas chez les personnes en surpoids et obèses (+ 2 portions/jour), comparées aux personnes souffrant d’autres maladies chroniques (+0,6 portions/jour).

Technologies numériques en santé, un potentiel intéressant à affiner

A la lumière de ces résultats, les auteurs soulignent le potentiel des interventions numériques, en particulier celles combinant différents canaux d’information, comme outils de transformation des actions de promotion de la santé, vis-à-vis des différentes composantes du mode de vie.

Afin d’aller au-delà et d’améliorer encore la connaissance et l’efficacité de ces outils, les auteurs identifient plusieurs pistes à explorer. En premier lieu, ils soulignent l’importance d’examiner et de tenir compte des disparités d’appropriation technologiques entre des groupes culturels ou démographiques dont l’accès ou les habitudes d’utilisation du numérique diffèrent. Par ailleurs, dans la conception des interventions, les auteurs invitent à tenir compte de « groupes » de population ayant des besoins et attentes spécifiques et homogènes pour mieux cibler les messages proposés et soutenir leur adhésion.

En second lieu, considérant l’évolution rapide des technologies numériques, les auteurs soulignent la nécessité de baser la conception des interventions sur les technologies les plus récentes. Ils soulignent notamment le potentiel des agents conversationnels (Chat-bots) pour améliorer les habitudes alimentaires et le niveau d’activité (Singh et al., 2023). Les auteurs invitent également à approfondir la connaissance de l’impact des techniques de changement de comportement utilisées, pour déterminer les éléments les plus efficaces à intégrer dans la conception de futures interventions.

Enfin, les auteurs pointent le besoin de travailler sur la persistance des modifications de comportements sur le temps long pour que les changements induits par les interventions se transforment en nouvelles habitudes de vie.

Basé sur : Singh B, Ahmed M, Staiano AE, Gough C, Petersen J, Vandelanotte C, Kracht C, Huong C, Yin Z, Vasiloglou MF, Pan CC, Short CE, Mclaughlin M, von Klinggraeff L, Pfledderer CD, Moran LJ, Button AM, Maher CA. A systematic umbrella review and meta-meta-analysis of eHealth and mHealth interventions for improving lifestyle behaviours. NPJ Digit Med. 2024 Jul 5;7(1):179.

E-santé et m-santé

Le terme « e-santé » recouvre un vaste domaine d’applications des technologies de l’information et de la télécommunication au service de la santé (HAS, 2024) : base de données, logiciels d’aide à la prescription ou au suivi des patients, services de télémédecine ou de télésoin… La m-santé, ou santé mobile, est une sous-partie de la e-santé. Elle regroupe un univers large et varié de matériels (objets connectés) ou d’applications en rapport avec la santé ou le « bien-être ». Il peut s’agit d’applications, d’objets connectés recueillant des données (poids, tension, fréquence cardiaque…), d’outils conversationnels (chat-bots) etc.

Messages clés
  • Les interventions numériques en santé sont prometteuses pour améliorer les comportements de santé : alimentation activité physique, sédentarité sommeil.
  • Les interventions mixtes combinant plusieurs canaux d’information sont plus efficaces pour améliorer la consommation de fruits et légumes et le niveau d’activité physique.
  • Concernant la consommation de fruits et légumes, des effets plus importants sont observés chez les moins de 50 ans et chez les personnes en surpoids ou obèses.
Méthodologie
Références

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