Épiceries sociales et solidaires : accompagner vis-à-vis des produits proposés et élargir l’offre pour être plus en phase avec les attentes des bénéficiaires

Afin de mieux documenter les habitudes alimentaires des utilisateurs d’épiceries sociales et d’évaluer leur adéquation aux recommandations du PNNS, le projet PrévAlima été déployé en 2020. Ses résultats montrent des similarités avec les habitudes alimentaires de de la population générale : consommation insuffisante de fruits et légumes, légumineuses et oléagineux, mais également des spécificités. En outre, les écarts avec les recommandations de santé publique sont davantage marqués chez les utilisateurs des épiceries sociales. Ce travail fait, par ailleurs, apparaitre une méfiance des bénéficiaires vis-à-vis des conserves, des produits accessibles pratiques et nutritifs très disponibles dans les épiceries sociales. Cette étude pointe deux pistes pour permettre aux bénéficiaires des épiceries sociales d’aller vers une alimentation saine : fournir un accompagnement vis-à-vis des produits proposés et élargir l’offre qu’elle soit plus en phase avec les habitudes et préférences des bénéficiaires, notamment concernant les condiments et épices, la viande halal, les produits laitiers ainsi que les fruits et légumes frais.
La 4e édition du PNNS, lancé fin 2019, inclut des actions spécifiques pour améliorer l’accès à une alimentation saine pour les personnes en situation de précarité alimentaire (ministère de la Santé et des Solidarités, 2019). Ce besoin s’ancre sur le constat d’inégalités sociales de santé importantes, notamment liées à l’alimentation avec une forte prévalence des maladies liées à la nutrition au sein des populations les plus modestes (Etude Abena 2011-2012). Les bénéficiaires des épiceries sociales sont, de fait, concernés par ce risque.
Dans ce contexte d’inégalités sociales et en vue de répondre à un objectif de santé publique, le projet PrévAlim (voir encadré) a été élaboré en 2020 afin de favoriser l’accès à une alimentation saine et équilibrée aux bénéficiaires d’épiceries sociales. Porté par des acteurs d’horizon variés, ce projet a pour principal objectif de caractériser les habitudes alimentaires des utilisateurs des épiceries sociales et d’évaluer leur adéquation aux recommandations du PNNS. L’étude de Galtier et al., 2024 analyse les résultats de ce projet et formule des propositions d’actions pour améliorer les dispositifs d’aide alimentaire.
Des habitudes alimentaires similaires à celles de la population générale mais des écarts plus prononcés avec les recommandations nutritionnelles
Au total, 82 bénéficiaires résidant en Île de France ont répondu à une enquête personnalisée (voir méthodologie). La moyenne d’âge des participants est de 42,3 ans, la grande majorité vivant seule. Si les trois-quarts des répondants vivent dans un logement individuel, 15% sont hébergés dans un hôtel et environ 10% chez un proche.
Comme observé au sein de la population générale, la consommation de fruits et légumes des bénéficiaires interrogés est inférieure aux recommandations du PNNS. Dans l’échantillon étudié, 34% des bénéficiaires consomment moins de 3,5 portions de fruits et légumes, parmi lesquels 33% consomment à peine une portion par jour. Les raisons évoquées de cette faible consommation sont similaires à celles de la population générale : commodité, coût, temps de préparation, accessibilité et manque de connaissances sur de nombreux fruits et légumes (Gurviez et Siriex, 2010). Néanmoins, la pertinence de ces résultats est à modérer car 90% des bénéficiaires interrogés déclarent cuisiner tous les jours, 8 sur 10 le font à chaque repas.
Une autre similitude avec la population générale concerne la très faible consommation de légumes secs et d’oléagineux.
n’atteignent pas les niveaux recommandés pour les fruits secs.
atteignent les recommandations concernant les fruits oléagineux.
Plusieurs facteurs peuvent expliquer la faible consommation de légumineuses. Parmi les freins suggérés par les auteurs figurent les potentiels troubles digestifs associés à la consommation de légumes secs, un conditionnement inadapté ainsi qu’une méfiance envers les conserves dans lesquelles ces aliments sont associés à de la viande, notamment de porc (cassoulet, lentilles saucisses). En ce qui concerne les oléagineux, le prix constitue le principal frein identifié.
Enfin, la consommation de produits sucrés est 2 à 3 fois plus importante chez les bénéficiaires d’épiceries sociales qu’au sein la population générale. Cette observation est particulièrement préoccupante dans la mesure où le lien entre une consommation excessive de produits sucrés et le diabète et l’obésité est aujourd’hui bien établi (Tappy et al., 2016).
Une consommation insuffisante de protéines animales et une méfiance vis-à-vis des conserves
S’il existe des similitudes avec la population générale dans les habitudes alimentaires des bénéficiaires d’épicerie sociale, cette étude pointe des tendances spécifiques à ce groupe de population.
L’enquête révèle notamment que la consommation de viandes, poissons et œufs est insuffisante : seules 36% des personnes interrogées atteignent les recommandations nutritionnelles. Cette faible consommation de protéines animales va de pair avec la consommation insuffisante de produits laitiers : 7 bénéficiaires sur 10 n’atteignent pas les niveaux recommandés. D’après les auteurs, le coût de ces produits et les traditions alimentaires des pays d’origine des bénéficiaires peuvent expliquer cette tendance.
La méfiance et/ou la « peur » des conserves est une autre caractéristique spécifique à l’échantillon interrogé. Considérées comme économiquement abordables, les conserves peuvent s’intégrer dans les 5 portions de fruits et légumes recommandées. Malgré leur disponibilité importante dans les épiceries sociales, les bénéficiaires déclarent ne pas en consommer spontanément. La lassitude figure notamment parmi les principales raisons citées. En effet, les participants estiment recevoir trop d’aliments en conserve et souhaiteraient à l’inverse bénéficier de plus de fruits et légumes frais.
Créer un environnement alimentaire équilibré et culturellement adapté aux besoins des bénéficiaires d’épiceries sociales
Comme le montre cette analyse, les consommations alimentaires des bénéficiaires des épiceries sociales sont éloignées des recommandations de santé. Afin d’améliorer la qualité de leur alimentation, il est essentiel de proposer des solutions adaptées visant à pallier ces écarts. Les auteurs suggèrent par exemple la mise en place d’ateliers culinaires dans le but de familiariser les bénéficiaires avec des produits moins connus ou moins consommés. Ces ateliers pourraient notamment fournir des conseils sur l’utilisation des conserves et la préparation de certains aliments. Il convient de noter que ces ateliers ne doivent pas viser à enseigner les bases de la cuisine, la majorité des bénéficiaires possédant d’ores et déjà des compétences culinaires. L’objectif est de faire découvrir des recettes innovantes et adaptées aux produits disponibles dans les épiceries sociales.
Les ateliers peuvent également être l’occasion de partager des conseils santé, telles que des alternatives pour réduire la consommation de sucre, tout en tenant compte des dimensions plaisir et culturelle. La formation des bénévoles est de ce fait cruciale pour une meilleure transmission des messages.
Enfin, cet article pointe la nécessité de reconnaître les besoins spécifiques des bénéficiaires, en ce qui concerne notamment les produits « manquants » ou souhaités, tels que les condiments et épices, la viande halal, les produits laitiers ainsi que les fruits et légumes frais. En appliquant ces recommandations il est possible de créer un environnement alimentaire plus équilibré et culturellement adapté aux besoins des bénéficiaires des épiceries sociales. Les auteurs soulignent également l’importance de les impliquer activement dans la gestion de leur santé tout en leur fournissant des ressources pratiques et acceptables.
Basé sur : Galtier, D., Daclin, C., Ponce, C., Ruetschmann, C., Jezequel, A., Clergeau, A., Jacques, E., & Lochet, S. (2024). Analyse des habitudes alimentaires des bénéficiaires des épiceries sociales de l’étude PrévAlim (2019–2022). Cahiers de Nutrition et de Diététique.
Le projet PrévAlim (2020 – 2022) financé par l’INCa et piloté par l’association Revivre dans le Monde, vise à promouvoir l’accès à une nourriture saine et équilibrée pour les personnes et familles dépendantes des épiceries sociales. Ce projet répond à l’absence d’études ciblées sur les comportements alimentaires des bénéficiaires d’épiceries sociales. Les objectifs visés sont les suivants
- Caractériser les habitudes de consommation des utilisateurs des épiceries sociales, notamment d’évaluer leur adéquation aux recommandations du PNNS ;
- Définir des méthodes et des outils pour accompagner les bénéficiaires dans la composition de leur panier.
- Les bénéficiaires des épiceries sociales présentent des habitudes alimentaires similaires à celles de la population générale avec des écarts plus prononcés vis-à-vis des recommandations nutritionnelles.
- Les principaux freins à la consommation de certains aliments sont liés à des facteurs économiques et culturels. Ces éléments montrent l’importance d’adapter les recommandations nutritionnelles à la réalité des bénéficiaires, en tenant compte de leurs contraintes.
- La mise en place d’ateliers culinaires, la formation des bénévoles sur les questions de nutrition et l’offre de produits adaptés aux besoins spécifiques des bénéficiaires sont des solutions clés pour pallier aux écarts constatés.