Avis d’expert – Territorialisation de l’alimentation : deux questions à Yuna Chiffoleau
Yuna Chiffoleau est ingénieure agronome et directrice de recherche en sociologie économique à INRAe (Institut National de la Recherche pour l’Agriculture, l’Alimentation et l’Environnement) à Montpellier. Co-animatrice du Réseau Mixte Technologique (RMT) sur l’alimentation locale, elle étudie et accompagne le développement des circuits courts alimentaires depuis près de 20 ans, en interaction avec les politiques publiques. Depuis 2023, elle coordonne le projet PLAT4TERFOOD, conduit dans le cadre du Programme et Equipement Prioritaire de Recherche « Systèmes Alimentaires, Microbiome et Santé » (PEPR SAMS), et qui vise à produire des données et des méthodes pour caractériser les systèmes alimentaires territorialisés, les quantifier et évaluer leurs impacts.

La territorialisation de l’alimentation est souvent défendue dans l’idée de renforcer l’autonomie alimentaire d’un territoire. Toutefois, celle-ci est en général confondue avec l’autosuffisance alimentaire, qui consiste à produire ce dont on a besoin. Or nous avons besoin d’une alimentation diversifiée, notamment de fruits et légumes que certains territoires ont plus de difficultés à produire (zones de montagne, régions bénéficiant de moins d’ensoleillement). Promouvoir l’autosuffisance, c’est potentiellement renforcer les inégalités entre territoires ou alors forcer la nature, en proposant par exemple des fermes verticales qui peuvent s’extraire des conditions locales et de la saisonnalité mais renforcer un peu plus la déconnexion avec la nature. Renforcer l’autonomie, au sens de réduire les dépendances à des acteurs sur lesquels on n’a pas prise, par contre, est essentiel. La territorialisation est justement le moyen de mieux comprendre nos dépendances et de les transformer en coopérations locales et inter-territoriale (Chiffoleau, 2023).
La territorialisation de l’alimentation est souvent défendue dans l’idée de renforcer l’autonomie alimentaire d’un territoire. Toutefois, celle-ci est en général confondue avec l’autosuffisance alimentaire, qui consiste à produire ce dont on a besoin. Or nous avons besoin d’une alimentation diversifiée, notamment de fruits et légumes que certains territoires ont plus de difficultés à produire (zones de montagne, régions bénéficiant de moins d’ensoleillement). Promouvoir l’autosuffisance, c’est potentiellement renforcer les inégalités entre territoires ou alors forcer la nature, en proposant par exemple des fermes verticales qui peuvent s’extraire des conditions locales et de la saisonnalité mais renforcer un peu plus la déconnexion avec la nature. Renforcer l’autonomie, au sens de réduire les dépendances à des acteurs sur lesquels on n’a pas prise, par contre, est essentiel. La territorialisation est justement le moyen de mieux comprendre nos dépendances et de les transformer en coopérations locales et inter-territoriale (Chiffoleau, 2023).

On prête souvent de nombreuses vertus à la territorialisation de l’alimentation, qui réduirait les distances parcourues donc les émissions de gaz à effets de serre, permettrait de mieux rémunérer les agriculteurs locaux, etc. Des études montrent que ce n’est pas si évident : la logistique n’est pas encore optimisée, des intermédiaires marchands peuvent capter la valeur ajoutée aux dépends des producteurs… Toutefois, elles montrent aussi que la territorialisation en circuits courts, en vente directe en particulier, déclenche des mécanismes économiques et sociaux favorables à la transition agroécologique et alimentaire : l’apport régulier de trésorerie rassure et aide à prendre des risques sur le plan agricole, les échanges réguliers permettent aux consommateurs de mieux comprendre l’impact de leurs achats, etc. La territorialisation de l’alimentation suit néanmoins plusieurs tendances, entre simple relocalisation des filières longues et développement de communautés autonomes, qui appellent à être mieux caractérisées et évaluées (Chiffoleau et Akermann, 2023).
On prête souvent de nombreuses vertus à la territorialisation de l’alimentation, qui réduirait les distances parcourues donc les émissions de gaz à effets de serre, permettrait de mieux rémunérer les agriculteurs locaux, etc. Des études montrent que ce n’est pas si évident : la logistique n’est pas encore optimisée, des intermédiaires marchands peuvent capter la valeur ajoutée aux dépends des producteurs… Toutefois, elles montrent aussi que la territorialisation en circuits courts, en vente directe en particulier, déclenche des mécanismes économiques et sociaux favorables à la transition agroécologique et alimentaire : l’apport régulier de trésorerie rassure et aide à prendre des risques sur le plan agricole, les échanges réguliers permettent aux consommateurs de mieux comprendre l’impact de leurs achats, etc. La territorialisation de l’alimentation suit néanmoins plusieurs tendances, entre simple relocalisation des filières longues et développement de communautés autonomes, qui appellent à être mieux caractérisées et évaluées (Chiffoleau et Akermann, 2023).